TRADUCTIONS:
Mikhaïl LERMONTOV
ANGE
La nuit, dans le ciel, un bel ange chantait
Un air pour les astres muets
La voûte étoilée, attendrie et voilée
Ecoutait sa chanson sacrée.
Il chantait les âmes claires du Paradis
Jardin des pécheurs repentis
Il chantait le Maître et tout son royaume
Ce ciel oublié par les hommes.
Il offrait à main nue à notre monde en pleurs
Une âme douce – une âme sœur
Sans mots - sans histoire, rien que le son du temps
Passant - passé et si vivant.
Trop près de la terre l’âme pure a souffert
Brûlée par nos cris de misère
Mais tous les fracas n’ont jamais pu tarir
Ses flots d’amour et son sourire.
1998 - 2005
Johan-Wolfgang GOETHE
CONNAIS-TU LE PAYS DES ORANGERS...
Connais-tu le pays des orangers
Très loin d’ici asile des naufragés
Où rien ne bouge tranquille ensommeillé
La terre est douce, paisible, émerveillé
Étais-tu là ?
Là-bas, là-bas
On partira un jour, on partira…
Connais-tu cette maison immense et vide
Et ses statues aux marbres impavides
Penchées sur toi et te posant question :
Qui t’a blessée, enfant, pour quelles raisons ?
Étais-tu là ?
Là-bas, là-bas
On partira, mon Prince, on partira…
Connais-tu cette montagne mystérieuse
Avec cette route étroite et périlleuse
Où les cavernes cachent des dragons
Qui font trembler la terre et l’horizon…
Étais-tu là ?
Là-bas, là-bas
On partira, mon Père, on partira
Paris, 2005
Alexandre BLOK
FENETRES SUR LA COUR
Ma seule et ultime espérance,
C'est voir dans le puits de ma cour.
Le ciel, qui, changeant d’apparence,
Blanchit des habits à leur tour.
J'entends quelques voix invisibles
Du fond. Elles surgissent du passé.
Je vois des bougies impassibles
Finir leur parcourt, délaissées.
Un chat de gouttière miaule famine
Hissé sur un toit matinal.
Tu dors, et ton rêve me facine,
Et je pleure de ce calme hivernal.
Tu dors tranquillement, et je damne
Mon abominable faiblesse.
Le sang, propulsé sous mon crâne,
Me rend presque fou de tristesse.
Petit, lève tes yeux à ma fenêtre !
Mais non, tu t’en vas sans me voir.
Soleil hivernal vient de naître,
Comme moi, sans raison, sans pouvoir.
Paris, 2007
Boris PASTERNAK
HAMLET
Le parterre s’est tu. Je monte sur scène.
Adossé contre un décor futile,
Je distingue dans une rumeur lointaine,
Horrifié, ma destinée fragile…
Les ténèbres, me prenant pour cible,
Me contemplent, des jumelles en main.
Dieu le Père, j’ t’en prie, si c’est possible :
Ne me quitte pas avant la fin !
Ton dessein persévérant, je l’aime
J’aime le rôle que tu m’avais confié.
Mais dès lors un autre drame s’déchaine.
Il n’est pas pour moi et je m’en vais !
Mais la pièce, hélas, déjà écrite,
On ne s’en va pas avant la fin.
Je suis seul, parmi les hypocrites,
Vivre une vie n’est pas un petit rien.
Paris, 2007